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Jean III ou l’irrésistible vocation du fils Mondoucet

Comédie en trois actes
Crée à la Comédie Royale le 8 mars 1912 (84 représentations du 7 mars au 18 mai 1912)



Argument

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Jean III va commencer au Théâtre Impérial... mais on vient annoncer au public que le comédien qui joue le Chevalier vient de se blesser. Heureusement on apprend qu’un certain Paul Mondoucet connaît la pièce. Si les spectateurs veulent bien patienter, on va se lancer à sa recherche... Chez les Mondoucet, Paul, fou de théâtre, court toutes les salles de Paris pour se faire engager, au désespoir de son père qui préférait le voir employé dans la quincaillerie familiale. Le régisseur du Théâtre Impérial vient solliciter l’aide de Paul ; son père, furieux, le chasse. Deux comédiens, Lambrequin et Léone viennent à leur tour supplier M. Mondoucet. Il se laisse attendrir mais... Mais Paul a disparu. Pendant ce temps, au Théâtre Impérial, les acteurs, devant le rideau de scène, jouent des monologues.


Distribution

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Actrice-Acteur Personnage
Baron M. Mondoucet
Alexandre Arquillière Lambrequin
Resse Bolbiquet
J. Prévost Daltignac
Darbrey Guénault
Nyms Hamel
Sacha Guitry Paul Mondoucet
Charlotte Lysès Léone
Cécile Caron Mme Mondoucet
Linda Celli Floriane
Germaine de Brysse La femme de chambre


Critique

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Le succès de la pièce de M. Sacha Guitry, à la Comédie Royale, fut très vif et très justifié. Avant que les artistes eussent ouvert la bouche, par l’effet d une prévention favorable, on était déjà résolu à les applaudir. Le public était venu avec l’idée très arrêtée d’admirer ies qualités de l’auteur et d’excuser ses défauts. On savait qu’il serait, selon la coutume, hardi et gouailleur jusqu’à l’irrévérence. On était prêt à tout lui passer, même d aller contre le goût j’allais dire contre la décence sans doute parce qu’on sait très bien que l’extrême fantaisie de M. Sacha Guitry est toujours compensée ou tempérée par l’observation philosophique.

On savait aussi que M. Sacha Guitry ne posséderait qu'à moitié son rôle, matis puisqu’il en était l’auteur, on le lui pardonnait par avance. N’était-il point de taille à y suppléer par une heureuse improvisation ? Enfin, il était « Sacha » et il était aussi Guitry ce qui est bien quelque chose. Et il bénéficiait encore du goût qu’on avait pour sa partenaire qui ne joue guère que pour lui et avec lui ce qui est bien naturel. Donc la salle était particulièrement amène quand le rideau se leva sur Jean III ou l'irrésistible vocation du fils Mondoucet. Ce long titre ne parut pas trop long, si les deux actes semblèrent trop courts.

La vocation du fils Mondoucet était celle des « planches ». Invitant sa mère à lui servir de public, le fils Mondoucet « s’essayait sur elle ». L’épouse du quincailles subissait sans broncher les vers de douze pieds que son enfant lui envoyait, costumé d’un tapis, tandis que ses mains brandissaient une canne comme une épée. Enthousiaste et gobeuse, Mme Mondoucet opposait à ces velléités dramatiques moins de résistance que M. Mondoucet, commerçant patenté et considéré dans son quartier avec honneur. Au moins que le nom des Mondoucet ne figurât point sur l’affiche. Pendant ce temps le fils Mondouce corrompait plusieurs «régisseurs; ils s’engageaient à recourir à ses bons offices au cas où un artiste de leur troupe viendrait à faire défaut au dernier moment.

Et voilà comment Paul Mondoucet fut appelé à jouer, Jean III au pied levé. Un cabot et son amie violèrent le domicile de M. Mondoucet et eurent beaucoup de peine à le décider. Seule la perspective d’avant yeux cachets et d’une gloire dont la quincaillerie tirerait bénéfice eut raison de ses résistances.

Ressuscité pour la circonstance, l’admirable Boron voulut bien prêter au personnage le secours de son inimitable jeu : et ce fut un enchantement de l’entendre après plusieurs années de silence. L’excellent comédien n’a pas seulement joué le rôle de M. Mondoucet, quincaille, il l’a composé. Et c’était toujours sa manière, mais atténuée et comme devenue classique. Il eut, comme il fallait, de la fierté des préjugés, et des vanités héroïques. Il fut vraiment représentatif de sa classe et de son caractère.

Au second acte, on entend, du foyer dès artistes, s’impatienter le public. Il ne sait pas qu’on a été chercher Paul Mondoucet qui se fait attendre. Le cabot de tout à l’heure s’applique vainement à le distraire, avec des monologues qu'on n’écoute pas. On le hue. La querelle est partout, hilare et larmoyante. Le fils du quincailles paraît enfin. Naturellement, il ne sait pas le premier mot de son rôle. Il le jouera pourtant. On lui fait endosser une armure, on lui apprend à baiser la main. quant aux paroles, il improvisera à son idée.

Et le troisième acte nous le montre en tête à tête avec le souffleur, attrapant demi, delà, des bouts de réplique qu’il complète à l’aide d’ahurissants impromptus,tandis que le couple Mondoucet de l’orch stre l’admire de loin et l’applaudit. Et Sacha, apostrophe son père, M. Baron, et embrasse Mme Charlotte Lyses. De la fantaisie, mais si étourdissante et comique, et de l’humour.

P.V Duprey, L'Information financière, économique et politique, le 19 mars 1912


Journal

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L’information financière, économique et politique, le 19 mars 1912
L’information financière, économique et politique, le 19 mars 1912