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Le lion et la poule

Comédie en trois actes
Crée au théâtre Édouard VII le 19 novembre 1923 (106 représentations du 19 novembre 1923 au 17 février 1924)



Argument

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Le Lion, c’est le vieil Arthur Le Vivier ; il a soixante-dix ans, et il est encore vert. Il a résolu d’aller passer quelques semaines sur la Côte d’Azur, en compagnie d’une « poule » ; mais il n’arrive point à trouver 1 oiseau rare qu’il voudrait ; il va se décider à partir seul, quand tout à coup, se présente une petite femme, Pamplemousse, dont l’aplomb le séduit Elle ne tarde pas à révéler ses défauts : elle est joueuse et acariâtre. Au début, Arthur se montre ferme avec elle, et réussit a la dominer, mais bientôt, elle lui devient nécessaire, et, pour la garder, il cède a tous les caprices qui passent par cette femme fantasque. Un jour pourtant, comme elle le traite sans façon, il se rebelle et annonce qu’il ne lui offrira pas le cadeau qu’il lui avait promis. Pamplemousse se fâche, crie qu’elle se vengera d’Arthur en le trompant, et part en claquant la porte. Elle n’est pas plutôt sortie que son amant s’attendrit en présence d’un confident ; elle est si jeune, et si spirituelle, et si amusante, et si sincère dans son amour ; c’est décidé : le cadeau sera acheté. Mais voici qu’Arthur reçoit la visite de son antiquaire Moïse, qui lui raconte ses chagrins d’amour : il a une petite amie. Arthur retrouve, dans la bouche de Moïse, les mêmes phrases niaises, les mêmes mots de tendresse sénile qu’il prononçait tout à l’heure. Aussitôt, il est guéri. Quand Pamplemousse arrive, il lui offre le cadeau, et la congédie. Est-ce pour toujours ? « Je l’espère », dit-il.


Distribution

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Actrice-Acteur Personnage
Lucien Guitry Arthur le Vivier de Cantenac
Gaston Dubosc Gustave de Redhel
Louis Maurel Léopol Moise
Pierre Paul Polin Honoré Royère
Andrée Spinelly Pamplemousse


Critique

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Quand M. Lucien Guitry vint annoncer, au milieu des acclamations, le nom de l’auteur, il nous apprit, avec une souriante fierté, que « Le Lion et la Poule » était la cinquante cinquième pièce de son fils. L’œuvre de Sacha Guitry, si nombreuse et d'une si plaisante diversité, lui a vite conquis extrême faveur des lettres et du oublie, qui Vont immédiatement adopté pour leur amuser favori. Parfois, cependant, et sans se départir de sa spirituelle gaminerie, Sacha Guitry se plant à nous prouver qu'il est aussi un de nos moralistes les plus aigus.

Aussi, la rude âpreté du Lion et la Poule » n'a pu surprendre que ceux qui avaient mal gardé le souvenir du « Veilleur de Nuit »  qui est peut-être le chef-d’œuvre de Sacha Guitry. Arthur Le Vivier de Cantenac est un magnifique septuagénaire, plein d'esprit et de santé, qui aime à s’entourer de petites femmes sans conséquence et sans lendemain. C'est un lion superbe et même généreux, car i! a, pour ces demoiselles, le chèque très facile. Il ne sombrera pourtant jamais dans l'aimable gâtisme de son vieux camarade de cercle, de Rhedel.

Son égoïsme, son orgueil sauront toujours le préserver de la déchéance où les femmes tirent autrefois tomber le baron Hulot ; il est bien tranquille et les appréhensions de sa famille paraissent sans fondement. Mais une poule survint, Pamplemousse, pas très différente des autres, plus rouée peut-être. plus intéressée, plus canaille, plus « numéro », et le lion se laissa si bien prendre à ses rets que la souriante fable devient un arasez sombre drame. Pendant tout le second acte, M. Sacha Guitry analyse avec une implacable férocité les tortures de ce vieux que cette fille malmène et qui cherche en vain à se donner le change, en la traitant avec une dédaigneuse brutalité. Il a conscience de son avilissement progressif, cherche parfois à secouer le joug, mais à peine a-t-elle menacé de le tromper par vengeance et non par plaisir, qu'il cède à ses plus désobligeants caprices.

Nous le retrouvons au troisième acte, faisant à son ami de Rhedel l’éloge de Pamplemousse, s'accusant de ne pas contempler avec assez de philosophie le spectacle de ce petit animal si joliment instinctif, se reprochant même de le traiter avec trop de dureté. Et notre homme nous semble à jamais perdu. " Mais la Providence veille toujours au ciel du théâtre. Elle se présente aujourd'hui sous les espèces d’un vieil antiquaire juif. Dans une longue scène, aussi émouvante que pleine d'ingéniosité, le bonhomme Moïse, après avoir essayé en vain de caser à son client un fragment unique d'une statue qui n’existe qu'à trois exemplaires dans le monde, se laisse aller à lui conter ses propres chagrins d'amour. Le récit qu'il lui fait est, de tout point, si semblable aux‘propos que Le Vivier tenait 1 quelques instants auparavant à son ami de Rhedel que la vision de cette déchéance éclaire brusquement le vieux lion sur son propre cas et qu'il congédie Pamplemousse.

Cette histoire, où ne figurent que quatre œuvres vieillards et une abominable petite garce de dix-neuf ans, aurait mis les nerfs du public à une rude épreuve, si elle n’était constamment enjolivée «le boutades aussi spirituelles qu'incisives, si M. Sacha Guitry n’y montrait une plénitude et une fermeté de dialogues quelles il n’avait encore jamais atteint, et si la pièce n'était jouée par les cinq interprètes avec cette absolue perfection que nous nous plaignons si souvent de ne pas rencontrer sur les scènes françaises.

Mlle Spinclly, M. Polin, M. Gaston Dubosc et M. Louis Maurel étaient les dignes partenaires de M. Lucien Guitry, dont la maîtrise ne fut jamais plus évidente que dans le rôle difficile de I,c Vivier, où il sut si bien se garder d’avoir recours aux effets ou aux grâces faciles qui eussent atténué la portée de la pièce.

Lucien Besnard, Le Quotidien, le 21 novembre 1923


Journal

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Le Quotidien, le 21 novembre 1923
Le Quotidien, le 21 novembre 1923