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Sacha Guitry, tout son univers, théâtre, cinéma, biographie, livres et citations

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Histoire de France

Pièce en quatorze tableaux
Crée au théâtre Pigalle le 7 octobre 1929 (125 représentations du 6 octobre 1929 au 19 janvier 1930)



Argument

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Les Gaulois, Jeanne d’Arc, Louis XI, François 1er, Henri IV, Richelieu, Mazarin, Louis XIV, Le 21 janvier 1793, Napoléon 1er, La restauration, Le second-Empire, Thiers et à Giverny l’ultime scène où Clemenceau côtoie Monet.


Distribution

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Actrice-Acteur Personnage
Sacha Guitry François 1er, Molière, Napoléon III, Claude Monet
Jean Périer Talleyrand
Samson Fainsilber Louis XI, Mazarin
Yvonne Printemps Gabrielle d’Estrées, Armande Bejart
Émile Drain Napoléon Ier
Louis Gauthier Goethe
Jacques Grétillat Talma
Romuald Joube Richelieu
Pierre Magnier Henri IV
Numes Louis XVIII
Germaine Kerjean Anne d’Autriche
Rolla Norman Louis XIII
Louis Morel Thiers
Jean d’Yd Charles X
Suzanne Bianchetti
Carlotta Comti
Anderson
Camille Fournier
Anita Boïdo
Ninon Gilles
Suzanne Aubry


Critique

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Sachez d'abord plusieurs choses qui ont plus d'importance que la pièce. C'est d'abord que, durant les entractes, au foyer, vous pouvez admirer les plus beaux Chardins du monde. Le Benedicite, du Louvre, la Toilette du matin, de Stockholm, la Pourvoyeuse, de Potsdam, la Ratisseuse de navels, qui est à M. David Wehr, le Lièvre, qui de est à M. Cailleux, le Poulet. de M. Wildenstein, et les trente-trois Chardins que possède M. Henri de Rothschild, parmi lesquels l'adorable Petite fille jouant au volant et celle qui s'amuse avec son déjeuner, la Tapissière et la Savoneuse... Ah ! que la sonnette d'entracte paraît indiscrète et importune, qui rompt notre enchantement...

C'est ensuite que ce nouveau théâtre de n'est pas seulement beau et original. On y est à l'aise, douillettement assis; on y entend bien ; on n'y a pas trop chaud ; les décors sont somptueux ; les changements s'y font avec une rapidité extraordinaire. La représentation a cependant fini à une heure ce matin. Ce n'est pas la faute des machinistes. Mais la prose et les vers, ou, comme on dit en Provence. les « semble-vers » de M. Sacha Guitry se distillent ici comme des liqueurs précieuix ses, goutte à goutte, syllabe par syllabe... Quel que soit le respect qu'on es leur porte, il faudra aller un peu plus vite... Tant de solennité les dessert. On voit qu'ils sont, en réalité, légers et, à quelques exceptions près, aussi le, peu chargés de sucs nutritifs que de l'eau pure.

Comment s'est faite la France, notre patrie. Comment s'est constituée, grâce à quelques grands rois. son unité. I- Comment elle a été secouée affreusement par la Révolution et par le dix-neuvième siècle, que M. Guitry juge, sinon stupide, du moins ridicule politiquement. Comment elle a vécu dangereusement et, finalement, résisté. Ce sont les sujets de ces quatorze images.

Jacques Bainville serait mieux désigné moi pour vous en parler... Il pourrait reconnaître un certain nombre de ses idées. Quelques-unes aussi qui l'étonneraient, car j'ai cru surprendre, vers la fin, quelques disparates dans la doctrine de M. Sacha...

Elles lui paraîtraient toutes, je crois, synthétisées avec bien de la désinvolture ! Histoires de France m'a rappelé non pas certes par les tendances, mais par la transparence et une' espèce d'innocence charmante. — le cours préparatoire d'Ernest Lavisse que je lisais à huit ans. Mais les gravures du à petit livre n'étaient pas coloriées ni animées. Les Gaulois... Les premières aspirations vers l'unité ! On entend un vieux tribun anticlérical ; déjà Gambetta ! Déjà Clemenceau ! Voici l'artiste qui se moque de la politique ; le mari, la femme, l'amant, qui auront tant d'importance dans notre vie sociale, et plus d'importance encore dans notre théâtre et dans nos romans.

A Reims, le jour où Jeanne d'Arc y a mené le roi, pour le faire sacrer. Deux ouvriers juchés près de la grande rosace regardent entrer le cortège, et, tout émus. sentent dans leur cœur grandir l'amour du pays de France que la Pucelle vient de leur révéler " A Plessis-les-Tours, Louis XI mourant! suffoquant, dicte à Commines sa confession... Il dit les provinces qu'il a jointes a la couronne, les rebelles qu'il a vaincus et comment il fut le grand ouvrier de l'unité française... François à Fontainebleau, fait de l'esprit. Parmi les femmes : et c'est M. Guitry lui-même, magnifiquement vêtu. On ne sait plus si c'est M. Guitry qui a retrouvé la grâce désinvolte de François, ou François qui avait pressenti la majesté dédaigneuse de Sacha d'une terrasse de l'abbaye de Saint-Denis, contemple Paris, qu'il assiège et où il vient pourtant de faire , entrer du blé. "Paris vaut bien une messe" lui souffle Gabrielle d'Estrées. Si on entendait ce mot, que dirait-on. On dirait qu'il est de , vous... » Henri, parlant de soi-même : Henri 1V .. » Cela surprend un peu.

Voici Richelieu domptant Anne d'Autriche et enveloppant Mazarin dans sa rouge cappe... Ah I les Trois mousquetaires. Oui, mais Dumas allait plus au fond des choses, et M. Maurice , Rostand, aujourd'hui, me paraît un historien sévère auprès de M. Guitry, ce papillon. La « première » de George Dandin, à Versailles. Un décor admirable un ravissant ballet ! Molière, Boileau, La Fontaine causent. Racine ne dit rien Cela vaut mieux, s'il n'est pas en train. Écoutez les autres.

Le 21 janvier 1793, dans la boutique de Jacob l'ébeniste Greuze sert quelques vérités aux révolutionnaires. David est odieux. Silhouette de Bonaparte, au milieu de la foule... Naturellement. L'Empire: le « parterre de rois », à Erfurt. Seulement, quand Talma dit : L'amitié d 'un grand homme est un bienfait des dieux, ce n'est plus comme dans l'histoire, le tsar qui saisit la main de l'Empereur. C'est Napoléon qui se lève et tend les bras au tsar. Après tout... Nous n'y étions pas.

Le onzième tableau, le plus spirituel résume toute l'histoire de France de 1814 à 1851. On dirait presse du Rip. Le ton lugubre dont Napoléon III, Guitry dit : « Maintenant, que la fête commence » est un délice...Les Papotages de femmes, à Fontainebleau Le tableau de Winterhalte r. Mme Yvonne Printemps chante l'air de la Grande-Duchesse ! Voilà qui est adorable ! Quelle minute exquise que l'histoire du drapeau blanc. Cet entêté de comte de Chambord ! On voit que M. Guitry en veut au prince d avoir laissé fonder la République ! Thiers, un petit biscuit sec... La voix de Gambetta, en coulisse ; pas assez d'accent, monsieur Grétillat.

Enfin, 1918. Clemenceau, au soir tombant, vient annoncer à son ami Claude Monet, qui peint devant le pont illustre et les nymphéas de Giverny, la victoire ! Les deux vieillards s'étreignent, pleurent, rêvent, et s'en vont Clemenceau se taisait. Monet ne lisait rien. Ainsi finit, seigneurs, leur superbe entretien. Car M. Guitry a toutes les éloquences. Même celle du silence.

Et ce n'est pas très admirable... Ce sont des scènes de revue comme on en verrait ailleurs, comme on en a vu, et même de plus piquantes. Mais c'est monté avec faste. Cela réjouit l'œil. Cela amuse, comme le musée Grévin et comme Napoleon IV. Mais M. Guitry, pour couper court, s'est emparé, à la fois, de tous les bons sujets. Il ne laisse après lui que les rogatons : Dagobert, Charles V ou le président Grévy.

L'interprétation est, naturellement, excellente. Sacha, Yvonne Printemps, Périer, Rolla-Nonnan, Fainsilber, remarquable Louis XI, Magnier, bel Henri IV, Joubé, un Richelieu magnifique, Drain, qui est Napoléon lui-même, Numès, un Louis-Philippe, redivivus, Maurel, le vrai M. Thiers; vingt jolies femmes, aussi jolies que leurs modèles. Ah la France est toujours la France. Malgré la République ; malgré... malgré tout ! Et il y a la musique de M. Büsser, jeunes variations sur de vieux airs, qui ajoute tant d'esprit à la pièce. On la remarque. On la déguste.

Robert KEMP, La Liberté, le 8 octobre 1929


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La Liberté, le 8 octobre 1929
La Liberté, le 8 octobre 1929