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Sacha Guitry, tout son univers, théâtre, cinéma, biographie, livres et citations

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Toutes réflexions faites

Édition de L’Elan, Paris 1947



Présentation

Recueil de pensées dans lequel Sacha Guitry analyse avec lucidité, humour, la période la plus difficile de sa vie à la libération.


Critique

Jean Poullet nous fait parvenir de Paris, cette défense de Sacha Guitry qui nous a paru parfaitement courageuse et digne de figurer dans nos colonnes. La defense d’un ami est toujours une très belle chose et, à ce propos, nous n’oublierons jamais comment au milieu de la meute déchaînée, Marcel Sauvage put faire entendre, au procès Pucheu, la voix du bon sens et de l’affection. Pour nous, nous n’avons pas à juger Sacha Guitry, parce que son talent est en dehors du jugement des hommes ; nous nous rappelons seulement un mot de lui qu’on se disait à Paris, quand Thorez était roi : « Ils disent : je n’ai rien fait sous les Allemands, mais ils n’ont jamais rien fait»

J'ai appris à aimer certains hommes par le mal que j’en avais entendu dire par d’autres hommes que je n’aimais pas». Cette phrase extraite de «TOUTES REFLEXIONS FAITES» le dernier livre de Sacha Guitry, résume assez bien comment je suis venu moi- même à aimer l’illustre auteur-acteur responsable (pour notre plaisir) de cent quatorze pièces et de trente-trois films. Tout le monde a entendu parler, ou parlé lui-même du « cas de Sacha Guitry ». Or il n’y a pas de cas Sacha Guitry, sinon celui d’un homme - illustre, charmant, simple, (mais oui !) et envié par la cohorte des ratés et des cocus, ce qui fait pas mal de monde. Sacha Guitry dit à peu près ceci: « Ce qu’on me reproche ce n’est pas quatre ans d’occupation, c’est trente ans de succès et de bonheur » : et cela est vrai, et durant ces quatre ans d’occupation (d’occupations, comme il le dit lui-même) qu’a-t-il fait ? Il a sauvé Tristan Bernard des bagnes nazis, fait échapper José Noguerro à la déportation, fait V rendre leur propriété à combien de ses amis ? (alors que les trois siennes étaient réquisitionnées).

Toujours dévoué pour ceux de son entourage, il intercédait en leur faveur, alors que pour lui il ne demandait rien. Il s’en fallut d’une heure qu’il ne sauve mon malheureux très cher Max Jacob que j’aimais tant. Les ragots rapportent : "Il avait du lait tous les jours". C’est vrai et cela continue, c’est celui mais on n’ajoute guère que qui parvient d’une petite ferme qu’il possède aux environs de Versailles. Il a écrit de « Jeanne-d’Arc à Philippe Pétain ». Cela aussi est vrai. Mais ce que les bavards ne savent guère, c’est de quelle façon se termine le livre : à la dernière page le mot FIN est barré d’un trait de plume et sous cette correction Sacha Guitry a rajouté de sa main : « Ça jamais » (deux mots qui en disent long) et il a signé. Cela le saviez-vous ? Saviez-vous que durant ces quatre ans d’occupation il a vu deux de ses pièces être refusées par la censure allemande, la première « Mon illustre grand-père » parce qu'anti-raciale et pro-sémite » (censure allemande dixit) ; la seconde « Le dernier Troubadour » parce que de nature à réjouir les gaullistes » (censure allemande toujours) et ce Jeanne d’Arc à Philippe Pétain ne contient-il pas les noms d’illustres Israélites : Pissaro, Sarah Bernhardt, Bergson, et combien d’autres ?

Sacha Guitry a-t-il vu pendant quatre ans des gens qu’il n’aurait pas dû voir ? Peut-être, c’est possible. « Moi je ne les ai pas vues » dit un malin, mais ce malin, lui est-il habituel de rencontrer des Princes, des ambassadeurs, des rois ? A-t-on épuré Voltaire pour ses visites à Frédéric ? C’était pourtant le roi de Prusse, si ma mémoire est bonne. La question n’est pas là. Sacha Guitry encombre des professions multiples où les incapables, usent de tous les moyens pour l’évincer. Pensez donc, il est : directeur de théâtre, metteur en scène, auteur comédien, excellent dessinateur. Il organise les fêtes où brille l’esprit, et la liste est loin d’être close où brilleraient ses dons que déjà voici cinq ou six raisons de le haïr pour qui préfère l’arme politique à l’arme professionnelle. Jules Renard, Debureau, la grande Sa- rah, Rodin, Lautrec, Maillol, Monet, Mirabeau, Réjame, combien encore dont il cultive le souvenir. Quel fou à l’époque se serait cru autorisé à rayer un de ces noms d’un trait de plume ? Et pourtant maintenant certains voudraient agir ainsi avec l’acteur délicieux du délicieux Jean de la Fontaine. La levée des boucliers se fait chaque jour plus précise.

Des articles courageux paraissent çà et là qui rétablissent la vérité ; de grands journaux, comme « La Seine » et « Aux Ecoutes » y prennent part. « France-Dimanche » publie une demi-page sur « Toutes Réflexions faites ». Le vent tourne, et la vérité embête les jaloux. N’a-t-on pas récemment refusé à des étudiants le film « Pasteur » qu’ils voulaient projeter en séance privée dans un ciné club ? Depuis la Libération j’ai personnellement pas mal voyagé : Afrique du Nord, Sénégal, Belgique, Suisse, Angleterre ; partout la même question ; Et Sacha Guitry ? Ses nouvelles pièces ? Ses films ? Sacha Guitry, Messieurs-Dames, il se repose de la méchanceté des contemporains et le jour où Paris voudra retrouver son éclat, sa pourpre, son or, il fera appel à Celui sans qui il ne saurait être la capitale de l’esprit.

Jean Boullet, Afrique Magazine, le 24 juillet 1947


Presse

L’Afrique magazine, le 24 juillet 1947
L’Afrique magazine, le 24 juillet 1947


Citation

- Et le trou du rideau, c'est un petit hublot par lequel on vient regarder si la salle n'est pas houleuse car, d'un four on dira que la pièce a sombré... - Lorsque les bons acteurs sortent de scène, ils entrent dans la pièce voisine. Les mauvais qui s'en vont, eux n'entrent nulle part.


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