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Lucien Guitry raconté par son fils

Édition Marcel Monteux, Paris 1930


Synopsis

Sa carrière et sa vie racontées par Sacha Guitry, et illustrées de photographies de Charles Gerschel


Présentation

M. Sacha Guitry consacre à son père, l’illustre comédien Lucien Guitry, un ouvrage de grand luxe à tirage très limité et qui va, paraître très prochainement. héros du livre apparaît ici doué d’une personnalité ardente, sous un jour lumineux et intense. Al. Sacha Guitry a bien voulu nous communiquer pour les lecteurs cette page. de souvenirs. Il n’y avait pas que des. repas à lecture, place Vendôme. Il y avait, deus fois ’au moins par semaine, le déjeuner des, « mousquetaires ». Les inousquetaires, c’était. Jules Rocard, Alfrecl Càpns et Tristan Bernard. C’était quatre hommes qui s’amusaient ensemble et qui s’aimaient vraiment. Quatre hommes qui se jugeaient sans complaisance, mais avec tant de cœur, malgré tant d’esprit ! C’était quatre hommes qui ne cessaient de sourire que pour. rire aux éclats. Dans quelle intimité intellectuelle ont vécu ces quatre beaux esprits ! C’était magnifique et terrible à la fois. Magnifique pour eux, terrible pour les autres. Car les ridicules, à ces déjeuners, passaient de bien mauvais quart d’heure. Sans indulgence pour euxmêmes, ils étaient impitoyables envers leurs amis, leurs relations et leurs parents. Ils n’avaient même pas le temps de s’occuper des gens qu’ils n’aimaient pas ! Un seul homme trouvait grâce devant eux, toujours : Alphonse Allais. Celui-là, c’était de la tendresse qu’ils avaient pour lui. Il pouvait même -c’était le seul — venir se glisser pari/’.i les mousquetaires, quand il voulait. Il est vrai que c’était un homme extraordinaire par son intelligence, par son esprit, par son talent — auquel on voudra bien rendre justice un jour, je veux le croire, — parce que je ne sais quoi d’indolent dans son être qui charmait irrésistiblement. Son visage, ses yeux, sa distinction, ses belles mains, tout le faisait aimer — et puis, par-dessus tout, l’imprévu, la cocasserie, la justesse étonnante et la rapidité de ses observations. C’était l’esprit le plus indépendant qui fût. Aucune considération ne pouvait intervenir entre le monde et lui. Il était libre absolument. Sa situation d’écrivain était à peu près nulle --- et Renard a dit de lui pourtant que c’était un grand écrivain ! — il n’avait pas de passé, se savait sans avenir, vivait a’u jour le jour, ne désirait rien et pouvait hardiment plaisanter les travers, les faiblesses de chacun, sans qu’il eût à redouter qu’on lui rendît la pareille. Je dois ajouter qu’une délicatesse infinie le préservait de tout excès dans cette voie. C’est qu’ils aimaient à se taquiner, les mousquetaires ! Et même, il faut le dire, ils ne se passaient rien. Comment et sur quoi taquinaient-ils Tristan sans méchanceté — sur le peu de longueur de ses pièces, et sur leur nombre. Capus ? Sans indulgence — sur sa frivolité. Ils l’avaient appelé, du reste, Frivolin. Renard ? Cruellement — sur son impuissance au travail. Oui, cruellement, car il était lui-même extrêmement cruel. Sacha Guitry, Excelsior, le 14 juin 1930





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