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Sacha Guitry, tout son univers, théâtre, cinéma, biographie, livres et citations

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Mes médecins

Édition Chez Cortial, Paris, 1932



Présentation

Recueil dans lequel Sacha Guitry retrace les maladies dont il a souffert. Il dresse par ailleurs le portait de plusieurs médecins qu’il a connu. Enfin il livre ses réflexions sur l’exercice de la médecine et des médecins.


Critique

A l’exception de quelques pièces du dix-neuvième siècle dans les lesquelles le docteur est apparu comme le raisonneur pour cas de conscience, les médecins n’ont, pas à se louez de l’art dramatique français. Molière leur a assigné un rôle comique et parfois sinistre qu'ils n’ont jamais tout à : ait perdu dans l’imagination populaire. C’est chez l'auteur du Médecin malgré lui que s’approvisionnent de sarcasmes tous ceux qui se gaussent des docteurs avant d'en appeler un à leur chevet, dès qu’ils tombent malades.

Combien de fois a s-roi, par ex mêle, cette réplique de Lisette dans l'Amour médecin : « Que voulez-vous donc faire, monsieur, de quatre médecins ? N'est-ce pas assez d'un pour tuer une personne ? Et cette autre, tirée de la même pièce, lancée par un docteur distingué « Un homme mort n'est qu’un homme mort, et ne fait! point de conséquence ; mais une formalité négligée porte un notable préjudice à tout le corps des médecins.

Les mots les plus durs contre ce corps — et ils sont nombreux dans l’œuvre de Molière — n'aboutissent, à la vérité, qu’à rendre comique ; les personnages ; tout au moins le public le veut-il ainsi, car il conserve sa foi en l’art lui-même, s'il rit et aime à rire de ceux qu'il va volontiers consulter ; ce qui constitue déjà un grand préjudice causé par le théâtre aux médecins. Knock, de M. Jules Romain a renoué la grande tradition que. doit une part de son s sentiment des spectateurs. Et l'on a pu voir, dans le film tiré de Monsieur de Pourceaugnac, la joie qu'a provoquée dans les salles l'apparition des guérisseurs, armés de seringues.

M. Sacha Guitry, dans un volume qu'il dédie à ses médecins, volume à tirage restreint, d’ailleurs, apporte de la part de l’art dramatique, une sorte de réparation a la Faculté. A vrai dire, M Sacha Guitry commence par affirmer qu’il est un malade.

« Ce n’est pas raconte-t-il, que je sois d'une fragilité extrême — et je n'ai vraiment failli perdre la vie qu’une seule fois — mais j’ai une telle horreur de la maladie que j’envisage tout de suite l’aggravation possible du moindre malaise que je ressens.

« Cela, tient, d’une part, au goût singulier que j'ai pour l'existence et d'autre part, à cette profession que j’exerce le soir « On peut tout faire, étant souffrant — même l’amour ! — mais on joue mal la comédie quand on a la migraine... » Molière n’avait évidemment pas de malaise quand il moquait ses médecins : et c'est un des points par lesquels il se différencie de M. Sacha Gutiry. On comprend donc que celui-ci ne puisse parler la même langue. D’ailleurs, l’auteur de Nono raffine sur l'emploi qu'il entend faire des docteurs. Ne déclare-t-il pas, en effet : « Combien de fois l’ai-je entendue cette phrase : « — Je voudrais mourir dort seul coup, sans souffrir et sans avoir connu les infirmités de l’extrême vieillesse !

« Eh bien ! moi. je voudrais mourir le plus tard possible.non seulement de vieillesse, mais encore avec une lenteur infinie, car n'ayant jamais eu le temps de vivre, je voudrais bien avoir, du moins, le temps de mourir. Oui je réclame une mort lente et toutes les infirmités possibles. Il me faudra bien cela pour que je parte sans trop de regrets. » On comprend après cela que M. Sacha Guitry affirme en tête de son ouvrage : « J’adore les médecins. » Il en aura besoin si ses désirs de vieillesse se réalisent, comme nous le souhaitons. Ou comprend aussi qu'il se rassure lui-même, par des boutades, du reste, charmantes, comme celle-ci : Il doit y avoir moins de mauvais médecins que de mauvais peintres heureusement. Mais il ajoute : On sourit des distractions d’un mathématicien ; on frémit à celles que pourrait avoir un chirurgien. Ce qui n'empêche pas M. Sacha Guitry de songer a l'art dramatique lorsqu'il s'écrie : Si les médecins voulaient parler, ils nous en donneraient des sujets de pièces ! Oui mais alors ne retomberait-il pas dans le péché de Molière envers les médecins ?

H. de Fels, La Liberté, le 15 novembre 1932


Presse

La Liberté, le 15 novembre 1932
La Liberté, le 15 novembre 1932


Citation

- Quand on est allongé, combien les yeux, déjà jolis, de ceux qu'on aime, devien­nent plus jolis encore ! - On peut tout faire, étant souffrant même l'amour! Mais on joue mal la comédie quand on a la migraine.


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