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Sacha Guitry, tout son univers, théâtre, cinéma, biographie, livres et citations

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Si j’ai bonne mémoire

Souvenirs
Édition Plon, Paris 1934



Présentation

Recueil de souvenirs reprenant des textes initialement publiés dans l’Excelsior du 15 mars 1934 au 31 mai 1934


Critique

Sacha Guitry publie des Souvenirs. Souvenirs sur sa vie intime et aussi sur la vie du théâtre dans ces quarante dernières années. « Lorsque la mémoire me fera défaut, je verrai 'si j'ai de l'imagination » a noté l'auteur dans son préambule. Il y a de tout dans les notes que nous pouvons lire quotidiennement, sauf de.l'ennuyeux ou du banal. L'es prit y court à travers les lignes ; s'éparpille au hasard des mots, pi rouette, narquois, entre les phrases. « On reproche aux gens de parler d'eux-mêmes. C'est pourtant le sujet qu'ils traitent le mieux », a écrit Anatole France.

Sacha Guitry se raconte en ce moment ou, expression plus juste, continue à se raconter. Mais ce sont moins ses actes qu'il étale sous nos yeux, que la fantaisie clairvoyante de son observation — et de sa philosophie dont il nous régale. Exemples : " . Lorsque des comédiens font tout pour sauver une pièce, il peut leur arriver de faire n'importe quoi. Quand, sur mille personnes, on en fait rire une quarantaine, une cinquantaine, mettons cent, ça fait du rail. Mais cent personnes qui rient sur mille, cela en fait neuf cents qui ne rient pas ! » . Travailler sans en avoir envie, ce n'est pas un travail qu'on fait, c'est une besogne. C 'est faire l'amour avec une femme sans l'avoir désirée. D'abord, il faut pouvoir. Et c'est à ces moments -là qu'on se rend compte à quel, point l'on a peu de mérite à faire les choses qui vous plaisent. Les hommes qui disent : « Le jour où je me suis séparé de ma fem me » ressemblent à ces gens qui déclarent : « mon train part à 17 h 12 et qui continuent à l'appeler leur train, même quand ils l'ont manqué.

Tous les publics se croient difficiles, alors qu'ils sont tout bonne ment inquiets. Us ressemblent à ces gens à qui l'on raconte des histoires drôles et qui tremblent de peur de ne pas les comprendre... Un jour, un acteur sortant de scène; informa mon père : « Le public est mauvais, ce soir, monsieur Guitry ». Mon père répliqua : i Tant pis pour lui ! » — Prétendre qu'on peut jouer avec n'importe qui, c'est un terrible aveu, car c'est avouer qu'on peut jouer mal quand il le faut. — Il m'est arrivé souvent de ra conter une chose que je n'avais point vue. C'est une façon à moi de faire de l'exercice. Il faut considérer que l'imagination est un muscle et, il convient de l'assouplir. Une critique du « grand opéra » — Eh ! bien, non vraiment, ces duos qui n'en finissent pas, qui re commencent, recommencent, ces phrases répétées dix fois, ces ritournelles musicales pendant lesquelles les chanteurs ont le loisir de se débarrasser des mucosités qui les gênent — ce dont ils ne se privent malheureusement pas ! Ces artistes qui n'ont pas le physique de leurs rôles, qui sont beaucoup trop jeunes ou bien beaucoup trop vieux, trop petits ou trop gros,'qui ne sont en gagés que pour leur tessiture, qui ne peuvent pas chanter le chapeau sur la tête, qui ne peuvent même pas le tenir à la main, qui le confient à un figurant, même si ce figurant est un soldat de l'armée ennemie — ces chanteurs qui s'obstinent encore à ne pas vouloir apprendre le rudiment du métier d'acteur, qui ne semblent avoir travaillé que deux choses : le chant et la façon de saluer, ces choristes mêlés sans cesse à l'action, voix angoissées dans des visages indifférents — oui tout cela, vraiment, me semble d'un autre âge.

Des anecdotes ? En voici une : J'avais offert un rôle minuscule à Dieudonné. Il était vieux, n'avait presque glus de mémoire, il était dans la gêne, il me remercia. Il avait trois répliques à dire et le personnage devait zézayer. On ré pète. Il trouve évidemment le rôle très court, mais d'autre part, il se rend compte qu'il n'est pas prolongeable. Et pourtant, il était chagrin de ne rester en scène que quelques se ondes. Alors, une idée lui vint ; : Écoute... est-ce que tu tiens beaucoup à ce que mon personnage zézaye ? — Non. Pourquoi ? Parce que... si ça ne te fait rien... mon rôle, au lieu de le zézayer, je vais le bégayer... ça l'allongera toujours un peu ! » Dieudonné était un acteur ! Un acteur ne trouve jamais qu'on lui don ne trop à faire. C'est du contraire qu'il se plaint. Sacha Guitry a grandi avec cette pensée, lui, fils d'une actrice et d'un admirable comédien, que le mot jouer était synonyme du mot travailler. y Il n'a pas changé d'idée.

Jean Raphanel, Le Petit Journal, le 10 avril 1934


Presse

Le petit Journal, le 10 avril 1934
Le petit Journal, le 10 avril 1934


Citation

Les jeunes actuels considèrent qu'à cinquante ans on est vieux... Eh bien, ils verront !


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